Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

mercredi 10 décembre 2008

Un désordre de pétales rouges

Commençons par une histoire. Elle est vraie. Elle est arrivée à un ami écrivain. Les histoires qui nous arrivent viennent du fond de notre coeur. Elles viennent du plus lointain et rien n'est plus lointain que le fond sans fond de notre coeur. Ce qui arrive ce soir -là à un écrivain s'est mis en marche depuis des années. Ce qui arrive est une rose rouge, brûlant dans la main d'un jeune homme. L'écrivain est assis derrière une table. Il signe des livres. Le jeune homme s'avance. Il a l'air triste. Il a mis la tristesse sur son visage et il regarde brûler sa tristesse dans la rose qu'il tend à l'écrivain. Il lui dit : je vous aimais. J'aimais vos livres, d'amour. Avant. Quand vous étiez pur. Quand vous étiez intouché par la lumière de ce monde, quand vos livres circulaient dans les souterrains de ce monde, dans les soubassements de cette vie. Autant que vos livres, j'aimais cette circulation taciturne des mots, cette résistance sourde de quelques paroles pauvres. Vous lisant j'entrais aux catacombes. Vous êtes écrivain et donc vos mots ne vous appartiennent pas - ce sont les mots des pauvres, des muets, des bêtes, des arbres, que sais-je encore. Un écrivain est grand non par lui-même mais par la grandeur de ce qu'il nomme, et je ne sais pas d'autre grandeur que celle de la vie faible, humiliée par le monde. Et voici que le monde vous acclame, voici que le monde vient vous chercher et j'ai peur de ne plus vous reconnaître, de ne plus m'y retrouver dans tout ce bruit. Je ne vous demande pas ce soir de signer un livre. Je me moque des livres. Je vous demande de continuer à ne signer que les roses qui brûlent d'amour au monde désert, dans les jardins d'un monde sans eau. Voilà ce qu'il a dit , le jeune homme. Aux Editions Lettres Vives / Collection entre 4 yeux. Un texte à lire ensemble comme on chante en choeur. Le plaisir de découvrir une pensée. Méditer sur le texte. S' ouvrir au chant de l'écrivain. Nous devenons la fleur rouge posée sur le coeur.

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