Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

dimanche 14 juin 2009

Voyage et songe de Fausta. Eros et Thanatos

Elle étreignit Gianfranco. Lentement elle repoussa chaque vêtement, posa son visage sur le torse velu, huma voluptueusement le parfum exhalé de ce corps encore en pleine ardeur à bientôt soixante ans. Fouillant le secret de l’harmonieuse masse musculaire le désir de Fausta s’exprima et Gianfranco ne put réprimer un soupir de bonheur. Le cri d’un oiseau de mer accompagna son chant guttural. La lumière du jour pénétra par le hublot et Fausta ouvrit les yeux. Seule sur l’étroite couchette elle souleva la tête. Le luxe mobilier de la cabine ne remplaçait pas les lieux qu’elle venait de quitter et qui servait de décors à son rêve – une petite plage qui avait abrité ses amours de jeunesse sur la rive du Lac de Garde -. Les goélands ricanaient et les plus hardis venait se poser sur la mature et les filins qui tendaient les grandes voiles blanches. La fraîcheur du petit matin éveilla son corps en promenade sur le pont de la goélette. Une brise légère se faufilait dans sa chevelure et soulevait légèrement l’ample tunique de soie indienne. Une tunique blanche, pure, virginale. Le père San Felice la croisa et baissa les yeux. Le nouveau timonier, un jeune calabrais à la chevelure d’ébène et au regard incisif la dévisagea. Il sourit. Gianni, c’était son nom, était le marin préféré de Luigi. Celui-ci l’avait rencontré dans une taverne sicilienne de Syracuse et séduit par la beauté du jeune homme, sa force et son intelligence de la navigation il l’avait immédiatement embauché pour les voyages qu’il faisait sur les mers. Son quart terminé, Gianni disparut dans les soutes du navire. Ce lieu fermé contenant les voiles et les cordages lui servait de cabine. Il avait ses secrets et en particulier une scie musicale. La goélette filait sur la mer et l’écume des vagues fendues par l’étrave frappait avec douceur le visage de Fausta. Elle était revenue prés de l’urne d’albâtre. On longeait la côte et le voilier funèbre approchait de Brindisi. Une escale très courte était prévue et dans la soirée on entrerait dans la Mer Ionienne en direction d'Agrigente en Sicile. Le soleil était haut dans le ciel quand Gianni, les yeux rougis et gonflés par quelques heures de sommeil, revint sur le pont, une scie musicale et un archet entre les mains. S’asseyant sur une caisse il fit pleurer cet instrument magnifique. Fausta lui sourit et écouta le chant plaintif rythmé par le bruit des vagues. Les voix des autres marins chantaient. Un concert pour Luigi. Un « Ave Maria ». L’arrivée à Brindisi se fit dans la soirée. Fausta se rendit à la capitainerie qui lui transmit un message de Gianfranco. C’est ainsi qu’elle apprit son départ pour l’Afrique. L’Afrique du Sud. Sun City. Elle décida dans l’instant de tout faire pour le rejoindre. Après la dispersion des cendres elle laisserait le voilier à l’équipage sous la responsabilité du père San Felice et prendrait l’avion le plus vite possible. Dans son message il avait laissé l’adresse d’un Hôtel : Hôtel Les Cascades. Un frisson inonda son corps. Enfin. Elle regagna le voilier qui appareilla dans la soirée pour Agrigente en Sicile.

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