Après le naufrage, Jan Petrus, isolé sur le rocher noir situé à l'extrême Sud de l'île du Ferblantier, contemple l'horizon chargés de cumulo-nimbus, annonciateurs de futures tempêtes et de catastrophes marines promettant une destruction totale aux esquifs servant à la pêche côtière. Il se souvient du séjour dans la forêt tropicale, des marches épuisantes et des rencontres sous les palétuviers, des animaux étranges qui s'enfuyaient à son approche et de la nourriture végétale, la seule qu'il pouvait avaler. L'angoisse le tenaillait et lui serrait la gorge comme un garrot posé par un ange de l'enfer,nu dans la touffeur environnante, exécutant une danse lascive, exhibant ses attributs en longues dagues aux reflets argentés. Jan Petrus vit en poésie. Pour lui tout est poème, chant des sirènes et grognement des ours, phrase musicale de l'insecte, le cri de la victime torturée à l'envie dans les bas fonds des immeubles policiers, le noyé étendu sur la grève, le ventre gonflé, une fleur de bave rosée au coin des lèvres, les jambes encore frappées par le ressac écumant. Jan Petrus aime promener son corps décharné sur le sable froid dans les petits matins gris du bord de mer. La bruine salée imprègne son visage et sa chevelure qu'il a brune et bouclée, abondante, et qui lui fait un visage de prophète. Il y a de la poésie dans son regard.
Jan petrus vient de découvrir une oeuvre ancienne. Il s'agit de " La Barque silencieuse "de Pascal Quignard qu'il nous lit bien volontiers.
Le diable de poussière
"On appelle diable de poussière une petite tornade minuscule, haute comme deux ou trois hommes superposés,
qui soulève la poussière ou la paille des champs au mois d'août.Le diable arrive au moment des orages,
Colonne jaune qui s'avance en errant.
Forme lumineuse, granuleuse, qui devance la foudre et annonce les éclairs.
La forme tourbillonne à vive allure au-dessus des sillons dont elle prélève la terre,
ou sur la grève de la rive dont elle arrache le sable,
ou le long du sentier dont elle s'effondre le plus souvent dans les branchages d'un bois.
Ou encore elle s'écrase sur la surface de l'eau.
Il arrive que la nuit ne se retire pas tout entière des jours que nous vivons.
Nos corps ont alors en plein jour des réactions qui ne sont pas syncrones.
Ils ont le visage de la nuit passée.
A midi sonné nous vivons encore un cauchemar.
Même quand nous introduisons la clé dans la serrure de notre porte au terme de la journée de travail,
nous sommes encore bouleversés
par ceux que nous avons revu dans notre rêve et surtout par ce qu'ils nous ont dit.
Nous avons beau nous frotter les paupières, nous avons beau porter de l'eau sur nos joues et sur notre front,
la nuit laisse traîner quelques images qui luisent d'une lueur qui ne vient certainement pas du jour astral."
1 commentaire:
décidément , tu aimes les photos de Roger Ballen, c'en est une , n'est-ce pas?
Enregistrer un commentaire