Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

jeudi 11 mars 2010

Christian CAZALS extrait de" In Octavo Ed" Harmonie 2

L'eau, l'enfant
Très tôt, quand la rosée monte du sol et enveloppe le corps des amants - gelés, pétrifiés - le soleil peine à passer par-dessus les montagnes.
Encore la nuit.
Enfant je marche d'un pas décidé sur le chemin de terre qui longe la rivière.
Elle s'élargit en ce lieu.
Le torrent qu'elle fut dans les montagnes s'épanche,étire ses méandres,calme son cours impétueux.
Les berges de sable caillouteux deviennent des hanches de femme alanguie, étalée, offerte dans la nuit douce qui disparaît enfin pour laisser la place au matin odorant, matin frais de roses en larmes, de chants d'oiseaux et d'aboiements de chiens errants.
Des poissons bondissent, la surface sombre de l'eau s'irise des couleurs multiples du soleil levant.
La vie est intense parmi les mouches, les insectes à pattes fines et désarticulées, les fleurs aquatiques et les ronces serpentines nées de la vase et qui s'étirent jusqu'aux herbes hautes des prairies.
Le jeune promeneur solitaire, canne de bambou noir sur l'épaule, bottes crottées, avance d'un pas décidé vers ce qui depuis le début de mon séjour m'attire, me fascine.
Le gouffre.
C'est presque un lac situé dans une boucle de cette rivière.
Un lac très calme après la chute sur les rochers,
l'écume,
les sauts de truites.
Une eau qui se précipite avec force,
tourbillonne,
s'écrase sur la falaise,
et meurt en s'assombrissant au pied d'une grotte
illuminée par le rouge du soleil.
S'asseoir sur l'arbre abattu,
contempler,
penser qu'il faudrait habiter là, dans ce trou d'ombre.
Au centre
Passer mes journées à essayer de percer le mystère de ce miroir,
sonder sa profondeur,
son calme.
Les vieux du village racontent...
les soldats fusillés précipités dans ce linceul frissonnant,
les enfants nés et noyés aussitôt.
Le jeune pêcheur s'interroge avant de lancer l'appât.
Y aurait-il sacrilège dans ce geste simple?
Que retirer de cet insondable trou d'eau?
Il n'y a pas de fond disent les vieux.
Peut-être une correspondance avec un monde mystérieux.
Dans le lointain,
les cloches, les sonnailles, l'angélus,
l'enfant se rendort, la tête posée sur une pierre ronde,
un peu de mousse sous la nuque.
Un serpent d'eau, effilé, luisant, file vers la cascade,puis plonge dans les remous.

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