Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

dimanche 11 avril 2010

Voyage en hétéronymie. Ode maritime de Fernando Pessoa


Le théâtre des Treize Vents vient de présenter à Montpellier l'oeuvre de Fernando Pessoa "Ode Maritime" dans une mise en scène de Claude Régy. C'est toujours difficile de parler de perfection. Mais je pense avoir ressenti cette perfection en sortant du spectacle. La nuit était douce, parfumée, malgré l'environnement de la ville qui ne cesse de grandir, aucun mot ne pouvait sortir, j'étais dans cet état de transfiguration quand on touche au sacré.
"Parfois je songe, avec une volupté triste, que si un jour, dans un avenir auquel je n'appartiendrai plus, ces pages que j'écris connaissent les louanges, j'aurai enfin quelqu'un qui me "comprenne", une vraie famille où je puisse naître et être aimé. Mais, bien loin d'y naître, je serai mort depuis longtemps. Je ne serai compris qu'en effigie, quand l'affection ne pourra plus compenser la désaffection que j'ai seule rencontrée de mon vivant."
                                                                                                     Fernando Pessoa


Fernando Pessoa travailla dans un bureau d'import-export de Lisbonne. La vie rétrécie qu'il mena au quotidien ne se libérait que grâce à son imagination. Il déambulait dans les rues de Lisbonne ou bien restait des heures sur les quais du port à contempler les navires à l'arrivée ou en partance pour la haute mer.
"Seul, sur le quai désert, en ce matin d'été, je regarde du côté de la barre, je regarde vers l'Indéfini, je regarde et j'ai plaisir à voir, petit,noir et clair, un paquebot qui entre. Il apparaît très loin, net, classique à sa manière. 
                                                             Ode Maritime, extrait

Dans ses propos recueillis par Brigitte Salino pour Le Monde du 8 Mars 2010 Claude Régy nous présente ainsi Pessoa: " Il parle d'un temps avant lui-même, et aussi d'un temps avant l'heure du monde extérieur tel qu'il le voit rayonner pour lui.
On pourrait dire que l'ambition de Pessoa est d'apprivoiser l'infini.
Il regarde vers l'indéfini d'où prolifère le Multiple ( il les gratifie de majuscules).
Il faut pour dire Pessoa corporiser la voix."

Jean Quentin Châtelain qui prête ainsi sa voix au texte de Pessoa opère selon le désir de l'auteur une transmutation consciente et volontaire entre sexualité et écriture, cette écriture qui voit le jour chez les différents hétéronymes de Pessoa dont les principaux sont Alberto Caeiro, Ricardo Reis et Alvaro de Campos.
C'est une performance au sens le plus noble du terme que celle de Jean Quentin Châtelain.

Ecouter Ode maritime, c'est respirer deux heures hors la loi, dans l'illégalité et la férocité.Mais, en fait, le contrôle du temps, les limites de l'espace, tout a disparu. 
                                                                 Analogue à Dieu, Claude Régy, décembre 09
                                                                            Extrait



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