Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

mercredi 1 décembre 2010

Prise à bras le corps. Le premier bain du matin

Je l'ai prise à bras le corps. Mer étale.
Algues remontées des profondeurs liséré blanchâtre en bordure de plage.
vent froid du matin (il est six heures, au matin) je tremble et ma nudité parcourue de rouge sang sous la peau, les yeux encore dans le sommeil, j 'ai vu d'étranges femmes aux seins lourds se pencher vers moi et parcourir mon corps de leurs ongles recourbés. Des griffes de chat.
Je l'ai prise à bras le corps cette mer en forme de ventre. Les dernières étoiles se mirent, un enfant chante sur la plage. Il me tend la main. Il est parti de chez lui me dit-il, la maison du village au toit de tôles ondulées, celle du pêcheur de crabes. Son père le frappait et sa mère hurlait. Une virago je pensai.
Une raie géante incrustée de minuscules pierres arrachées aux falaises des profondeurs marines par les courants froids venus du Nord, une raie de bois poncé, bousculée sur les rochers proches du rivage et sur lesquels viennent se briser les barques en perdition, se déchirer les naufragés tentant de rejoindre à la nage quelques criques salutaires.
L'enfant pleure sa solitude.
Je pénètre l'onde bienfaisante et mon corps s'éveille au contact de la fraîcheur des éléments.
Je disparais, mon visage, les lèvres, les yeux,les oreilles, sentent le contact du sel, les picotements,les grondements sourds tambourinent aux portes des tympans.
Je suis la mer et pénètre la profondeur liquide et sombre. Le soleil levant n'a pas la puissance pour illuminer le champ liquide dans lequel mon corps se revivifie.
L'enfant est assis sur la plage et tient dans sa main un coquillage vide, l'intérieur est d'une belle couleur pourpre, des concrétions de calcaire très ancien, serpentent sur la carapace dure finement ciselée par la nature.
Désir de rester et de disparaître pour les siècles à venir.
Je quitte ce lieu avec regret. L'enfant est sur la plage. Le sable glisse le long de ses jambes. 

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