Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

samedi 7 mai 2011

LE GRIOT DU JARDIN PUBLIC




 


DAKAR, ville tentaculaire, bruyante, dans les jardins d'immenses bougainvilliers couverts de poussière de latérite, le matin, dans la nuit le muezzin s'égosille pour rassembler ses fidèles, il fait froid, les femmes courent à la recherche d'aliments improbables, elles sont enveloppées de longs tissus et de voiles, les premiers taxis, des petits chariots tirés par des ânes efflanqués, les coups de gourdin pleuvent, des chiens se disputent une charogne. Ça sent le gas-oïl.
Une foule emmitouflée descend vers le môle de départ des bateaux et vers les docks pour charger les bateaux en partance vers la Casamance, le Sud de l'Afrique, les îles du Cap Vert.

C'est un personnage connu dans Dakar.
Il est né dans la rue. Il y a très longtemps. Sa mère l'a déposé un jour sur la place de l'Indépendance, personne ne se souvient du jour. Sûr il est très vieux. Des petits yeux largement ouvert sur le monde. Il vous scrute jusqu'au plus profond de vous même. Les voyous de la rue lui font une caresse sur la joue en riant aux éclats, le passant ordinaire, l'employé des ministères échangent quelques mots avec lui, parfois lui demandent conseil, le touriste balance une pièce dans la sébile posée entre ses genoux, une banane, une papaye, des cacahuètes comme s'il s'agissait d'un singe.

Et lui n'en finit pas de parler, de raconter la vie, d'annoncer le futur. C'est la Pythie du baobab sacré.
Dans ce jardin près de la Présidence un grand baobab, il est très vieux et abrite toute une population bigarrée qui se raconte des histoires, parle des évènements du pays et du monde et interroge le griot.
Il répond toujours en fouillant dans sa musette de toile beige.
Il en sort des petits sachets de poudre fine qu'il verse dans le creux de sa main, et lit dans cette poudre, il laisse s'échapper de sa bouche des mots étranges, des chants, des rires.
Parfois des larmes coulent de ses yeux.
La journée s'écoule ainsi dans la douceur. Des gestes savants qui parfois se posent sur le front d'un enfant en souffrance, un regard qui plonge dans celui d'une vieille femme mourante, une étreinte pour l'homme en colère. 
Hisham est connu dans cette immense mégalopole. Le parfum des bougainvilliers environnent le petit nid qu'il occupe au pied du baobab. Jour et nuit. A la saison des pluies
on vient le chercher et on l'héberge gratuitement. 
Une calebasse de lait de chèvres et quelques bananes lui suffisent.













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