Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

mercredi 26 mai 2010

Offert sous forme de commentaire concernant " Le combat des Anges" par l' Espace du Dedans.

lundi 24 mai 2010

pour Christian C.
Qui donc, si je criais, parmi les cohortes des anges

m'entendrait ? Et l'un d'eux quand même dût-il

me prendre soudain sur son cœur, ne m'évanouirais-je pas

sous son existence trop forte ? Car le beau

n'est que ce degré du terrible qu'encore nous supportons

et nous ne l'admirons tant que parce que, impassible, il dédaigne

de nous détruire. Tout ange est terrible.

Et je me contiens donc et refoule l'appeau

de mon sanglot obscur. Hélas ! qui

pourrait nous aider ? Ni anges ni hommes,

et le flair des bêtes les avertit bientôt

que nous ne sommes pas très assurés

en ce monde défini. Il nous reste peut-être

un arbre, quelque part sur la pente,

que tous les jours nous puissions revoir ; il nous reste

la rue d'hier et l'attachement douillet à quelque habitude du monde

qui se plaisait chez nous et qui demeura.

(...)

Oui, les printemps avaient besoin de toi. Maintes étoiles

voulaient être perçues. Vers toi se levait

une vague du fond du passé, ou encore,

lorsque tu passais près d'une fenêtre ouverte,

un violon s'abandonnait. Tout cela était mission.

Mais l'accomplis-tu ? N'étais-tu pas toujours

distrait par l'attente, comme si tout cela t'annonçait

la venue d'une amante ? (Où donc voudrais-tu l'abriter,

alors que les grandes pensées étrangères

vont et viennent chez toi, et souvent s'attardent la nuit ?)

Mais si la nostalgie te gagne, chante les amantes ; il est loin

d'être assez immortel, leur sentiment fameux.

Chante-les (tu les envies presque !) ces délaissées qui te parurent

tellement plus aimantes que les apaisées.

Reprends infiniment l'inaccessible hommage.

(...)

Première Elégie de Duino















De tous ses yeux la créature

voit l'Ouvert. Seuls nos yeux

sont comme retournés et posés autour d'elle

tels des pièges pour encercler sa libre issue.

Ce qui est au-dehors nous ne le connaissons

que par les yeux de l'animal. Car dès l'enfance

on nous retourne et nous contraint à voir l'envers,

les apparences, non l'ouvert, qui dans la vue

de l'animal est si profond. Libre de mort.

Nous qui ne voyons qu'elle, alors que l'animal

libre est toujours au-delà de sa fin :

il va vers Dieu ; et quand il marche,

c'est dans l'éternité, comme coule une source.

Mais nous autres, jamais nous n'avons un seul jour

le pur espace devant nous, où les fleurs s'ouvrent

à l'infini. Toujours le monde, jamais le

Nulle part sans le Non, la pureté

insurveillée que l'on respire,

que l'on sait infinie et jamais ne désire.

Il arrive qu'enfant l'on s'y perde en silence,

on vous secoue. Ou tel mourant devient cela.

Car tout près de la mort on ne voit plus la mort

mais au-delà, avec le grand regard de l'animal,

peut-être. Les amants, n'était l'autre qui masque

la vue, en sont tout proches et s'étonnent...

Il se fait comme par mégarde, pour chacun,

une ouverture derrière l'autre... Mais l'autre,

on ne peut le franchir, et il redevient monde.

Toujours tournés vers le créé nous ne voyons

en lui que le reflet de cette liberté

par nous-même assombri. A moins qu'un animal,

muet, levant les yeux, calmement nous transperce.

Ce qu'on nomme destin, c'est cela : être en face,

rien d'autre que cela, et à jamais en face.



S'il y avait chez l'animal plein d'assurance

qui vient à nous dans l'autre sens une conscience

analogue à la nôtre – , il nous ferait alors

rebrousser chemin et le suivre. Mais son être

est pour lui infini, sans frein, sans un regard

sur son état, pur, aussi pur que sa vision.

Car là où nous voyons l'avenir, il voit tout

et se voit dans le Tout, et guéri pour toujours.



Et pourtant dans l'animal chaud et vigilant

sont le poids, le souci d'une immense tristesse.

Car en lui comme en nous reste gravé sans cesse

ce qui souvent nous écrase, – le souvenir,

comme si une fois déjà ce vers quoi nous tendons

avait été plus proche, plus fidèle et son abord

d'une infinie douceur. Ici tout est distance,

qui là-bas était souffle. Après cette première

patrie, l'autre lui semble équivoque et venteuse.

Oh ! bienheureuse la petite créature

qui toujours reste dans le sein dont elle est née ;

bonheur du moucheron qui au-dedans de lui,

même à ses noces, saute encore : car le sein

est tout. Et vois l'oiseau, dans sa demi-sécurité :

d'origine il sait presque l'une et l'autre chose,

comme s'il était l'âme d'un Etrusque

issue d'un mort qui fut reçu dans un espace,

mais avec le gisant en guise de couvercle.

Et comme il est troublé, celui qui, né d'un sein,

doit se mettre à voler ! Comme effrayé de soi,

il sillonne le ciel ainsi que la fêlure

à travers une tasse, ou la chauve-souris

qui de sa trace raie le soir en porcelaine.



Et nous : spectateurs, en tous temps, en tous lieux,

tournés vers tout cela, jamais vers le large !

Débordés. Nous mettons le l'ordre. Tout s'écroule.

Nous remettons de l'ordre et nous-mêmes croulons.





(...)

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