Sur les plages de l'Inde, le voyageur solitaire, sac sur le dos, fait souvent d'étranges rencontres.
Ce ne sont pas les petits insectes venimeux qui courent sur le sable brûlant, ni les chiens décharnés et les chèvres extatiques couvertes de mouches.
Parfois, un enfant venu de nulle part, qu'on dirait accouché par la plage, surgit. Le sable s'ouvre et l'enfant paraît, étrange bébé déjà chevelu, crasseux des pieds et des mains, les genoux usés et les yeux plein de vie, de braise fleurant le santal, de sourire, bouche éclatée sur les dents rouges du bétel patiemment mastiqué.
Nous avons rencontré cet enfant sur une plage déserte, un jour de vent chaud, de mer effrayante - l'océan indien en se fracassant sur la côte écumait sauvagement et les rouleaux à la crête blanche tiraient nos corps vers le large. Le soleil brûlait l'épiderme.
L'enfant nous regarda puis son regard se perdit sur l'immensité de l'océan. Il fixait un oiseau, vautour planant très haut, cherchant sa proie, prêt à s'abattre.
L'enfant bougeait lentement sur le sable, il rampait. Ses doigts s'enfonçaient dans la lave cristalline brûlante et rugueuse de la plage.
Une de ses jambes traînait, paralysée, maigre, sans muscle et sans réflexe. Il tendait le bras vers la chevelure mordorée de celle qui avait choisi de franchir avec moi cette distance au dessus des pays en guerre, des pays muselés dans leurs pensées et leurs écrits.
Ses doigts très fins, entraînés à nouer la laine des tapis, à modeler la bouse des vaches- reines efflanquées de ces lieux- à fouiller dans l'ordure et la fiente, ses doigts semblaient aux plumes effilées terminant l'aile d'un ange.
Sous le vent venu de la mer, la penne se courbait et pénétrait la masse brune parcourue de reflets auburn.
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