" La lune émergeait de la mer: c'était la vieille lune que la brume vêtait mi de soie noire et mi de blanche. Je me souviens. Nous entrions dans le port et quelqu'un dit:
- Diane est encore veuve, et ses dévots s'essouflent à honorer tantôt la fidèle et tantôt la changeante.
Je me souviens. Une lumière froide baignait le sommet de la colline, qui couronne la ville. Tous les yeux étaient tournés vers là, et nul ne vit sans doute le brusque et passager dédoublement de la face du disque, et comment le sourire transparent de Diane découvrt le rire noir d'Hécate. Là-haut, les maisons blanches étaient des dents.
Le lendemain, je quittai la ville et marchai vers le désert,qui occupe le centre et l'est de l'île. J'espérais y rencontrer l'un de ces vestiges qui mettent la science en défaut et ne parlent qu'à l'imagination - vestiges fréquents dans cet archipel de l'Atlantique Sud, dont le peuplement échappe à l'histoire. Il ne s'agissait d'ailleurs pour moi que d'aller jusqu'au bout de ma mémoire: je rêvais de l'oeuf blanc du désert au pied duquel l'ombre est salée comme la solitude. Et puis au bout de tant de jours de marche, j'ai aperçu, tout près de l'autre mer, un rassemblement de maisons que ne mentionnent pas les cartes.
Ce village est bâti sur les pentes d'un amphithéâtre dont les épaulements rocheux le masquaient aux corsaires. Une seule pancarte de bois,clouée sur le pilier sacré qui marquait la frontière du côté des hauteurs, indique le nom de ce lieu écarté - nom gravé profondément au fer: Matopecado.
Lier connaissance avec les indigènes est assez dificile: ils nous reçoivent, vous observent, vous parlent, mais n'acceptent guère qu'on franchisse la distance."
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