Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

mercredi 6 mai 2009

Début de soirée..

Fausta Beresini avait rencontré Gianfranco della Barbosa del Popolo Quelques temps avant le décès de son mari Luigi. Elle avait croisé son regard lors de la réception donnée chez des amis communs, Lors des festivités du Carnaval. Malgré la bise cinglante et l' humidité de cette fin d' hiver, Elle portait ce soir là, une robe très ajustée , Un fourreau de brocard émeraude Bordé d' une dentelle ancienne de sa grand-tante Stefania Bruno, Qui , dans sa jeunesse en avait appris l' art délicat Par sa nourrice de Burano. Cette robe était sa préférée , Pour rien au monde elle n' aurait songé à en porter une autre , Pourtant , Luigi , très prodigue , Lui avait proposé à plusieurs reprises de faire quérir Maria Vianello , la meilleure costumière de Venise, (elle travaillait d'ailleurs régulièrement pour La Fenice) Et de lui faire imaginer et réaliser une robe hors du commun, Pour rendre hommage à sa beauté . Mais, Fausta, avec une moue charmante , avait toujours refusé: "Caro mio, tu sais bien , je suis comme Cinderella , Je ne vais pas au bal sans ma robe magique!!" Et c' était ainsi depuis au moins dix ans , Fausta Beresini, parée de son immuable robe émeraude , La gorge ornée d'un collier toujours différent ( on disait qu' elle vouait aux pierreries une passion coûteuse) Sortait sur le ponton devant sa demeure , le soir du 10 Février, Enveloppée d' une lourde cape doublée d' oppossum, Pour attendre la gondole qui les mènerait, Glissant sur les eaux noires du canal , Vers la chaleur , les parfums, la musique, les tourbillons effrénés de la fête . Luigi , très droit et élégant , tenait légèrement le coude de son épouse Pour l' aider à monter dans l' embarcation. Il enroula plus étroitement l' écharpe blanche de fin cachemire Autour de son cou, La gêne qu' il ressentait déjà depuis plusieurs semaines Lui taraudait douloureusement la poitrine, Mais jamais il n' aurait imaginé manquer cette soirée, Un rituel dans leur vie mondaine bien remplie. Tournant la tête, il admira le profil de son épouse: En prenant de l' âge , Fausta avait gardé tout son mystère Et sa séduction . Et c'est nimbés d' un certain panache , Accueillis avec effusion par le maitre de maison , Qu' ils firent leur entrée chez les Moretti, Couple richissime ayant fait fortune dans les gisement de platine en afrique. Beaucoup de vieilles familles d' aristocrates vénitiens Les considéraient comme d' infâmes parvenus, Le bruit courait même qu' ils avaient des appuis inavouables , Mais , c' est chez eux que se faisaient et se défaisaient les modes, Ils étaient à la pointe de la branchitude : Le luxe encanaillé d' un soupçon de vulgarité , Mais avec un tel sens de l' à-propos , Qu'il en devenait le summum du bon goût: Tels en témoignaient ces somptueux et criards rideaux oranges Contrastant avec les tables nappées de turquoise , Dressées avec ostentation de verreries d' un violet ténébreux Et d' assiettes contemporaines d' une laideur certaine. Dans l' immense salle de réception , la foule déjà compacte Se pressait autour des buffets où le champagne coulait à flot. Luigi joua des coudes pour atteindre le lieu stratégique . Plus loin , au son d' un orchestre à cordes , des couples évoluaient sur le parquet de danse. Fausta , appuyée contre l' embrasure d' une des hautes fenêtres, Plongeait son regard sur la volée de marches de l' embarcadère , D' autres invités continuaient à arriver, Elle percevait des rires et des exclamations, Les capes virevoltaient , laissant entrevoir des étoffes chatoyantes, Les visages masqués se renversaient, Offrant leurs regards énigmatiques Des lèvres rouges s' entrouvraient, Soudain , l'intérêt et la surprise allumèrent ses yeux: Un homme de haute stature venait de sauter à terre , Son visage nu , très blanc sous la lueur des lampadaires , Se détacha soudain et frappa son imagination: Ces traits aux lignes brutales lui rappelèrent Ceux qu' elle prêtait,adolescente , aux héros mythiques Des épopées antiques : Ulysse , Demetrius .... Reculant brusquement de son poste d' observation , elle faillit bousculer Luigi et la flûte de champagne Qu' il venait très galamment lui apporter: "oh! désolée ! mille merci! je meurs de soif , Viens , allons examiner de plus près tout ce beau monde Et nous moquer un peu de ces oiseaux au plumage tapageur!!!" Elle lui échappa, fendant la cohue avec aisance , Laissant glisser sa traine aux reflets de bronze, Ses épaules nues jaillissant de l' écrin de sa robe , Et bientôt , seule sa nuque délicate fut visible au milieu de cette mêlée bigarée.. 0 suite de l' histoire de Christian ,proposée par Croukougnouche

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