Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.


... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.


Désert. Le Clézio.

jeudi 24 décembre 2009

Conte de Noël.Mémoires Indiennes

Sur les plages indiennes, en bordure de l'océan, le voyageur solitaire portant son sac sur le dos, fait souvent d'étranges rencontres.
Ce ne sont pas les petits animaux, parfois venimeux qui courent sur le sable brûlant, ni les chiens décharnés et les chèvres extatiques couvertes de mouches.
Un enfant, venu de nulle part, qu'on dirait accouché par la plage s'avance vers notre couple enlacé et méditant dans la contemplation des rouleaux de l'océan. Le sable s'ouvre comme un écrin et l'enfant surgit de l'immensité minérale, étrange bébé, être déjà chevelu, crasseux de la tête aux pieds, un sourire appuyé nous transperce le coeur. Les genoux sont usés car il se déplace en rampant sur le sol. Son corps exhale le santal et sa bouche éclatée exhibe des chicots rouges du bétel qu'il mastique en écoutant la mer.
Nous avons rencontré cet enfant sur une plage déserte, non loin de Madras, un jour de vent chaud, de mer effrayante - le ressac écumant tirait nos corps vers le large et le soleil brûlait notre épiderme découvert imprudemment.
L'enfant nous regardait, puis son regard se perdait sur la mer, fixait un oiseau de proie, vautour planant très haut, prêt à s'abattre sur sa proie. Il bougeait lentement sur le sable, lave cristalline brûlante et rugueuse sous les doigts.
Une de ses jambes traînait, paralysée, très maigre, sans muscle et sans réflexe.
Il tendit le bras, qu' il avait très velu, vers la chevelure auburn de celle qui avait choisi de franchir avec moi cette distance au dessus des pays en guerre, des pays muselés dans leurs pensées et leurs écrits.
C'était la veille de Noël
Ses doigts très fins, entraînés à nouer la laine des tapis, à modeler la bouse des vaches - les reines efflanquées et sacrées de ces lieux - , à fouiller dans l'ordure et la fiente, ressemblaient aux plumes effilées terminant l'aile d'un ange.
Il resta ainsi, les mains noyées dans la toison de ma belle compagne. Quand le soleil baissa sur l'horizon, le vent devint plus frais et l'enfant s'éloigna en rampant. Il disparut dans un buisson d'épineux.
Ce fut le cadeau de Noël.
Protégés par une barque renversée sur la plage, la nuit s'illumina d'une multitude d'étoiles. L'étoile du Berger, dans sa fixité originelle, marquait l'emplacement du buisson d'épineux.

1 commentaire:

croukougnouche a dit…

quelle rencontre insolite ...