La radio crache et tousse à chaque soubresaut et répand une soupe musicale fortement rythmée parmi les sièges désarticulés du véhicule taxi qui n’en peut plus de rouler sur cette route encombrée jour et nuit.
Les derniers kilomètres, et pas les plus faciles. Des animaux en liberté traversent la route, les camions freinent brutalement sans raison ou stoppent pour, le plus souvent, embarquer une jolie et jeune personne enchâssée dans un écrin robe rouge au décolleté profond, écrin fendu jusqu’au plus haut des cuisses.
L’ambiance Sun City se précise. Bientôt les clubs et les bars, les richesses étalées, les diamants qui roulent sur les tables de bistrot et sous les yeux avides du personnel. Un état proche du sommeil s’est emparé de Gianfranco et l’emporte dans un monde léthargique où se bousculent les anges, les madones au visage de Fausta, les animaux sauvages étendus sous le soleil dans la savane peuplée d’oiseaux tropicaux.
On gravit une colline dans un bruit bizarre de culbuteurs essoufflés. Le moteur chauffe et Ben, prévoyant, arrête les frais en plein milieu de la route, ouvre le capot et verse un peu d’eau dans le radiateur. Il s’agite à l’arrière de son véhicule, brandissant une minuscule lampe à pétrole, pour signaler sa présence aux gros culs qui foncent à tombeau ouvert. G. qui observe la scène dans son demi sommeil pense soudain au tombeau. Il ricane et précipitamment quitte son siège, s’éloigne dans la savane. Un rocher sympathique accueille son fondement trempé de sueur.
Ainsi, de ce lieu il pourra observer l’enfer de la route et l’activité de Ben qui certainement pour se donner du courage ingurgite un petit gobelet de Mampower. Bof !! On est bientôt arrivé !
Heure tardive. Un peu avant minuit. Quand on sera au sommet de la colline on pourra apercevoir les lumignons de la ferme de vieux. « Le tigre endormi ». Sûr c’est le moment. Quant aux vieux ils sont encore devant leur télé satellite. Ils dorment très tard. Ils ont peur de mourir. Alors ils se couchent presque au lever du soleil. Et comme il n’y a jamais personne dans leur boui-boui… Ben diagnostique un moteur froid et compétitif. Gianfranco, majestueux, reprend sa place et Hop ! Quelques minutes seulement pour finir l’ascension de la colline et Ben se fait un petit plaisir en dévalant la piste sur la musique de Papa Wemba. C’est une formalité que d’arriver aux pieds d’un perron qui fut du faux marbre et qui maintenant est une ruine estampillée « vieilles pierres ».
On klaxonne, on claque les portières, un chien, galeux à souhait, hurle à la lune.
La porte s’ouvre brutalement et dans l’encadrement apparaît le vieux, un antique fusil à la main, les yeux noirs. L’afrikaner, ancien orpailleur et diamantaire des temps de vaches grasses et d’exploitation honteuse du peuple noir, est très méfiant mais en reconnaissant Ben il change d’attitude et se met à hurler : adlina c’est Ben. Le mampower ! Prépare les verres.
Pas le temps s’exclame le comte de la Barbosa en exhibant sa Rolex. Les yeux de l’orpailleur sortent des orbites, Ben rigole, adlina arrive avec les gobelets pleins, on laisse une caisse, et le voyage infernal reprend.
Dernière station de ce périple avant le paradis : « The Queen », musique et sexe toute la nuit.
Sur la route camions et taxis -brousse se livrent une lutte sans merci.
Parfois un vélo dans le fossé, une moto, et quelquefois un corps étendu.
Blog concernant notre vie littéraire, poétique, cinématographique. Tout ce qui touche à l'art, à l'expression artistique sous toutes ses formes. Tous les moyens d'expression sont reconnus dans ce blog. EXCLURE FORMELLEMENT LA VULGARITÉ ET LA GROSSIÈRETÉ.
Ils étaient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumière, de la nuit.
... en tête de la caravane, il y avait les hommes, enveloppés dans leurs manteaux de laine, leurs visages masqués par un voile bleu. Avec eux marchaient deux ou trois dromadaires, puis les chèvres et les moutons harcelés par les jeunes garçons. Les femmes fermaient la marche.
Désert. Le Clézio.
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